Aujourd’hui BRING OUT recueille les confessions d’Etienne, chanteur de Shaârghot, groupe de metal éléctro/indus parisien.
Salut Etienne, merci d’avoir accepté de répondre à mes questions 🙂.
1) Pour commencer, parlez-moi d’un groupe émergent que vous défendez, qu’est-ce qui vous touche chez eux ?
Etienne (chant) : Ah c’est embêtant car j’en ai plusieurs en tête et le choix est vraiment difficile ! En général je parle pas mal de Moaan Exis ou de Horskh, mais là je braquerais bien le projecteur sur Machinalis Tarentulae ! Ce duo féminin composé de Justine (viol de Gambe / chant / Machines) et de Miss Z (ex Punish Yourself, percu / guitare / backing) est vraiment puissant en live et dégage quelque chose de mystique ! Ça peut paraître très surprenant à écouter comme ça de but en blanc, mais une fois sur les planches, le combo arrive à nous faire ressentir une énergie presque chamanique. C’est à la fois doux, violent, et torturé et malheureusement pas assez connu pour le moment… elles étaient au What The Fest de Montpellier l’année dernière, alors si vous avez l’occasion n’hésitez pas 😉
2) Quels sont vos souvenirs d’enfance liés à la musique ?
Etienne : J’ai un père ingénieur du son alors forcément… des concerts, des enregistrements, des mix et même parfois des tournées à l’étranger j’en ai vu un paquet… en revanche, je regrette vraiment qu’à l’époque mon père nous ai caché sa culture musicale pour les groupes extrêmes pour ne pas nous “emmerder avec”… du coup j’ai passé une bonne partie de mon enfance sans connaître grand chose aux différents courants musicaux. En revanche, certains artistes avaient attiré mon attention comme Peter Gabriel par exemple… certains albums fourmillent de petits détails qui au final (je m’en rends compte maintenant) ont un petit quelque chose d’Indus ! Difficile de ne pas y penser quand on écoute des morceaux comme Darkness ou Growing up ! Le traitement est juste dingue !
3) Selon vous, qu’est-ce qui vous a amené à faire ce choix de vie ?
Etienne : Un tout je dirais… déjà le cinéma et les comics / BD. J’ai une imagination qui est basée sur les visuels. En général quand je compose de la musique, je n’entends pas seulement un son, je le vois. Il m’évoque quelque chose, une aiguille, de la rouille, un paysage… je suppose que c’est aussi pourquoi l’univers de Shaârghot est si chargé au niveau visuel, car pour moi il y a tout un film qui accompagne nos musiques, et c’est ce que j’essaie de reproduire dans nos clips !
Deuxième chose, j’adore les sons synthés, ça offre des possibilités incroyables ! J’ai toujours adoré les synthés et les années 90 m’ont laissé une sacrée trace, que ce soit pour les mélodies étranges et lancinantes des jeux vidéos de l’époque ou pour les sons très “Trance” qu’on trouvait dans la musique de cette époque.
4) Quel regard ont porté vos parents, familles, proches sur votre vie d’artiste ?
Etienne : Mon père a très bien accueilli la chose. Il m’avait bien caché son jeu et son admiration pour les musiques plus extrêmes alors ça a été plus facile. On en est même venu à “bosser” ensemble, mais sans que ce soit véritablement calculé. Il venait parfois écouter ce qui passait dans ma piaule lorsque j’étais plus jeune et des fois il me demandait qui c’était car il aimait bien. Il se trouve qu’une fois je lui ai répondu “ah bah ça c’est mon nouveau projet que je fais avec un pote là”. Ça s’est reproduit 2-3 fois et puis un jour, il m’a proposé d’enregistrer car il avait 3 jours à tuer devant lui. J’ai accepté et ça a commencé comme ça haha !
On s’est toujours très bien entendus musicalement alors les choses allaient très vite car on se comprenait facilement. Et encore aujourd’hui nous travaillons ensemble et il m’apporte son expérience, qui je dois l’avouer, a été assez formatrice.
Ma mère en revanche est une grande angoissée, elle voulait un fils et une fille avec “un vrai métier” stable, genre chirurgien dentiste ou une autre connerie de ce genre haha ! Perdu… ma frangine (qui m’a toujours soutenu dans mes créations) et moi sommes tout les deux dans le monde du spectacle donc ce n’est pas vraiment ce qu’elle espérait, et puis elle était du genre à avoir beaucoup d’à priori sur les “marginaux”. Maintenant son point de vue a changé, elle a pu voir que ce n’était pas juste une lubie de branleur mais qu’il y avait un travail sérieux derrière et depuis elle a accepté cette “excentricité artistique”. Bon on ne la verra pas dans les pogos quand même faut pas déconner mais elle ne voit plus la chose de la même façon qu’il y a 7 ans c’est certain haha !
5) Si vous n’aviez pas été artiste, qu’auriez-vous fait ? Avez-vous une passion parallèle ?
Etienne : Pas artiste ? Je crois bien que je suis incapable de répondre à cette question hahaha ! Toutes mes passions sont reliées au monde artistique et j’essaie de mélanger tous les médias possibles (vidéo, dessin, écriture, musique, sculpture, peinture) dans le projet Shaârghot grâce à l’aide de personnes très talentueuses qui m’entourent ! Shaârghot ce n’est pas seulement de la musique, c’est un projet artistique pluridisciplinaire. Teddy Masson bosse avec nous sur nos clips depuis un bail, Lyan s’occupe des illustrations, Brun’o Klose s’occupe de la déco, Clem X de la programmation machines et moi ben je suis un peu partout en fait.
Donc pour résumer, je ne pourrais pas faire autre chose que de l’art et toutes mes passions sont concentrées sur le même projet artistique.
6) Selon vous, pourquoi les femmes sont si peu représentées sur la scène metal ? Plus généralement, que pensez-vous de la place des femmes dans le monde du metal (public, artistes, techniciens, médias…) ?
Etienne : Excellente question. La culture metal est à mon sens très orientée vers un public “masculin”. Que ce soit dès son origine avec ses artworks très héroïques fantaisies avec des guerriers bodybuildés, des démons musclés et autres personnages avec des slips en peau d’ours secourant des bimbos dénudées en détresse (oui j’ai entendu quelqu’un au fond dire “cliché”, vous gagnez un bon point !). A partir de là, je pense que la cible est clairement indiquée… l’ado en recherche de modèle de virilité principalement. Il y a toujours eu quelque chose de guerrier, de violent et d’agressif en apparence dans l’univers du metal et évidemment un côté un peu “machiste beauf” qui s’y est développé. Je ne suis expert sur le sujet mais j’ai l’impression que les mentalités sont en train de changer (et tant mieux). J’observe qu’il y a de plus en plus de groupes féminins et de musiciennes ces dernières années. Bon ptet que je me plante mais en tout cas quand j’entends quelqu’un dire “nan mais c’est d’la musique de gonzesse ce qu’ils font là”, l’individu a tôt fait de se prendre une calotte derrière la tête, histoire de le rappeler à l’ordre haha !
Bon il se trouve que des imbéciles incapables de juger une femme pour ses compétences on en retrouve à tous les échelons de la société et dans toutes les cultures et le metal n’y échappe malheureusement pas. D’ailleurs la metalleuse a souvent été vue comme la nana qui écoute du metal parce que son mec en écoute… Heum… raccourci facile bonjour ?
Le combat pour l’égalité des sexes n’est clairement pas gagné dans l’univers du metal mais j’ai l’impression que ça avance doucement quand même (laissez moi être un peu optimiste pour une fois…). Chez nous on a bien une bassiste ! Bon après je ne sais pas si c’est un vrai bon exemple car Clémence a de la barbe et a plus de virilité que tout le reste du groupe réuni. Quoi qu’il en soit, on ne l’a pas recrutée parce que ça ferait un joli pot de fleur sur scène, mais parce que c’est une personne compétente, réglo et humainement géniale !
Messieurs, avant de recruter une fille dans votre groupe, commencez déjà par écouter ce qu’elle sait faire avant de vous demander si la profondeur de son bonnet vous fera vendre plus de merch, vous en sortirez gagnants !
7) Difficile d’éviter le sujet en ce moment : comment vivez vous la crise sanitaire actuelle (Covid-19) ? Quel regard portez-vous sur ces événements ?
Etienne : Ah bah forcément, c’est clairement pas ce qu’on avait demandé sur notre fiche technique hein… je pense qu’on est comme tout le monde, ça fait chier car on avait pas mal de dates de prévues (la Warm Up avec le Hellfest notamment) mais bon c’est comme ça, personne ne pouvait le prévoir alors il faut s’adapter à ce nouvel obstacle.
Là par exemple je travaille avec Lyan sur une série de “fiches” mêlant mes écrits et ses illustrations pour expliquer un peu le monde de Shaârghot, et pour présenter les personnages, le contexte historique etc, etc… donc on a trouvé de quoi s’occuper un bon moment ! On continue à bosser sur de nouvelles maquettes, des remix et divers projets dont je ne peux pas parler pour le moment car c’est encore un peu tôt mais quoi qu’il en soit, le projet Shaârghot ne dort jamais 😉
8) Un peu de légèreté : quelle chanson (ou artiste) inavouable appréciez-vous ?
Etienne : Hahahaha ! Alors là… que dire… ? Ce qui est inavouable pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres ! A mon avis on n’a pas le même seuil de tolérance je pense. Mais pour donner 2-3 exemples je dirais “Love is donna save us” de Benny Benassy, “Satisfy” de Nero, ou même “Disturbia” de Rihanna hahaha ! Ça vous va ou vous en voulez une autre couche ? 😉
9) Le truc le plus dingue qui vous soit arrivé en tournée ?
Etienne : Oh c’était y’a longtemps, et je crois que la fois ou Clémence nous a prêté le camping car de sa famille pour partir jouer à Toulouse. Tout se passait bien jusqu’à ce qu’on perde… une fenêtre en cours de route ! Du coup on a une magnifique photo qui traîne quelque part des membres du groupe escaladant le camping car en tentant de reboucher la fenêtre avec du gaffeur ! Spoil on en a perdu une deuxième au retour !
Après des anecdotes à la con on en a vraiment un paquet… je pense par exemple à la fois ou on jouait à la Niche du Chien à Plume par exemple. Un type un peu éméché a trouvé que ça serait pas mal de poser son manteau sur un truc qui dépassait à côté de la console, on montait sur scène pour jouer un dernier morceau en rappel. Le mec pose le vêtement énergiquement et… toute la salle se retrouve plongée dans le noir ! Le gars venait de poser son manteau sur le coup de poing du générateur qui alimentait toute la salle ! Nous sur le moment on a pas compris, y’a eu 5 minutes de coupure de courant et on a fini pépère. C’est en sortant de scène qu’on a appris le comment du pourquoi, on était pliés et franchement on ne voulait pas être à la place du bonhomme haha !
Après bon j’ai plein d’autres trucs mais… je crois que c’est peut-être mieux que je ne dise rien hahaha !
10) D’où vient l’univers l’univers esthétique si particulier que vous arborez sur vos visuels et sur scène ?
Etienne : De vraiment beaucoup trop de choses comme Transmetropolitan, Tank Girl, Matrix, Warhammer 40 K, Blade Runner, Mad Max, certains comics de Batman, Fallout, Doom, La Princesse Mononoké, Altered Carbon, Le Roi et l’oiseau, Alien, la caste des Metabarons, Neige… des films, des romans, des comics, des jeux et même des performances artistiques et vidéos… toutes ces choses qui m’ont nourri depuis des années quoi ! J’ai foutu tout ce merdier dans un mixeur et j’ai obtenu le visuel que nous affichons maintenant et qui est notre marque de fabrique. Et franchement je n’ai pas tout cité…
11) Pour conclure : quel conseil donneriez-vous a de jeunes artistes pour avancer ?
Etienne : Houla, j’en sais rien, y’a pas de recette miracle ça se saurait. Après pour moi il y a des choses essentielles. Faire les choses avec son coeur et ses tripes c’est la base de tout. Beaucoup de gens agissent de façon opportuniste en se disant “tiens eux ils ont fait ça alors on va faire un truc dans ce genre car ça a marché pour eux”. Nan les gars, ça sent le fake, le réchauffé… il y a une différence entre copier et s’inspirer de. S’approprier quelque chose, le digérer pour que ce soit cohérent avec ce que l’on veut créer (ça marche autant pour le son que pour le visuel). Quand les choses ne sont pas sincères ça se ressent très vite et on devient un groupe “quelconque” noyé dans une masse d’autres groupes “quelconques”. Nombreux sont les groupes à avoir le même son, les mêmes attitudes, les mêmes visuels etc, etc… alors faites ce que vous avez vraiment envie de faire et amusez vous (surtout !!!!). Nous on ne calcule pas grand chose, on fait les choses comme on le sent car on se dit que ça va être drôle et qu’on va bien se marrer ! Par contre, ne pas oublier… faut faire les choses très sérieusement mais sans se prendre au sérieux haha !
Line-Rose, pour BRING OUT

Leur dernier album “Vol. 2 : The Advent Of Shadows” est disponible en digipack.
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